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LIVRE I : La vie de Daju / Les royaumes de l'Est / La vie de Hevel

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Sadella

Sadella

Vie de Daju


L’homme était silencieux, et ne parlait que pour acheter ce dont il avait besoin pour vivre, allant même jusqu’à commander des denrées qu’il me faisait payer avec ces deniers de la honte que je n’avais pas voulu lui remettre …
Toujours joué par l’astuce de l’errant, comme il aimait à se nommer, et aussi, je dois l’admettre, plutôt admiratif de ses tours, je ne refusai jamais de donner de ma bourse pour nos repas.
Je l’insultais certes abondamment, mais son manque de réaction me lassa peu à peu, alors que lui ne manquait jamais une occasion de me rabaisser plus bas que terre : je me dis aujourd’hui que je devais manquer singulièrement de fierté, pour supporter cela avec bonhommie.
Mais cette relation était alors la seule que j’avais à chérir, et je ne pouvais me permettre d’y mettre un terme …

Après deux mois d’errance au sein de la terre de Palestine, l’homme décida que l’endroit l’ennuyait, et m’annonça notre départ prochain pour le nord, vers l’ancien empire des perses, l’Anatolie.
« Nous traverserons le désert, jeune survivant !
Il est souvent propice à la réflexion, bien plus que les rivages enchanteurs de l’ouest …
Et tu as besoin d’apprendre à réfléchir, jeune sot ! »
Nous partîmes donc pour l’intérieur des terres, avant de bifurquer vers le nord, vers les terres de ce peuple qui avait jadis fait trembler les égyptiens puis les grecs, avant de succomber au Grand Alexandre.
Les premiers jours furent un plaisir : de grandes étendues de rocailles et de sable mêlés, la fraîcheur de la nuit pour avancer, les siestes brûlantes du jour pour nous reposer.
Un délice pour un jeune homme tel que moi, qui demandait avant tout la solitude de l’immensité.
Mais la répétition des marches, l’impression diffuse de ne pas avancer, l’absence totale d’individu, tout cela commençait à me peser, alors que nous entamions notre deuxième semaine de progression.
Un matin, pourtant, une rencontre impromptue me révéla ce que l’errant entendait par « réflexion » …
Nous nous étions préparés à nous restaurer, après une longue nuit de marche, lorsque nous aperçûmes au loin une caravane à l’arrêt, s’engageant elle-aussi dans un repos récupérateur.
« Viens, allons voir ces marchands : il me semble reconnaître leurs couleurs ! »
Bien qu’effrayé à l’idée de tomber sur des détrousseurs du désert, je suivais l’homme, toujours aussi sûr de lui.
A peine arrivé, je dus admettre sa bonne vue, ou son intuition sans faille : les nomades l’accueillirent à bras ouverts, me saluant poliment au passage. Bientôt, de l’eau et de la nourriture fraîche nous furent proposées, que nous acceptâmes de bon cœur : la viande et le poisson séchés commençaient à nous sembler sans goût.
Je compris assez vite que les caravaniers et mon … maître ?... se connaissaient depuis quelques temps déjà, et semblaient partager les mêmes coutumes.
Après le repas, en effet, le chef des marchands nous convia à une prière collective, chose qui m’étonnait, car j’avais pu vérifier pendant notre périple le manque de foi de mon guide.
A ma grande surprise, il accepta, et prit une pose particulière : assis, les jambes croisées sous lui, les mains placées paumes ouvertes sur ses genoux, il ferma les yeux et s’absorba dans sa dévotion.
Un peu perdu, car personne ne semblait vouloir commencer la prière, je m’enquis auprès de lui :
« - Excusez-moi, mais … Qui prions-nous ? lui demandai-je à voix basse.
- Personne d’autre que nous-mêmes, jeune importun ! me répondit-il, irrité. »
Estomaqué par tant d’orgueil, je m’étonnai tout haut :
«  - Comment ?! Vous vous prenez pour Dieu ?!
- Bien sûr, puisqu’Il est en nous ! Dieu n’est rien d’autre que ce que nous voyons, imaginons, ressentons : il est sans doute bien plus, mais au moins cela, et tout cela !
- Mais … Je … Euh …
- Pffff … ajouta l’errant en se tournant vers moi.
Dieu est-il tout puissant, jeune inconscient ?
- Oui, bien sûr !!
- Dans ce cas, peut-on dire que Sa toute-puissance s’exerce partout à la fois ?
- Evidemment oui !!
- Dans ce cas, peux-tu me dire à quoi il servirait de Le prier, puisqu’il exerce déjà Sa volonté au maximum de sa capacité ?...
- Euh … Et bien … Pour attirer son attention ?...
- Imbécile !! Une gifle claqua dans le petit jour.
Comment veux-tu qu’Il te donne plus d’attention qu’Il ne t’en accorde déjà, puisqu’Il est tout puissant et exerce Sa volonté dans tout Son pouvoir ?!
- Mais pour … euh … Je ne sais pas …
- Oublie les fadaises de ton ami Christos, jeune novice ! cracha l’homme. Dieu n’a plus rien à nous donner : Il a déjà fait le nécessaire en étant, et en étant en chacun de Ses modes, notamment nous, humains ! Nous sommes pensant, nous sommes une partie de Lui, et notre seul but est de Le comprendre, d’appréhender ce que nous sommes, et donc une partie de ce qu’Il est !
Nous ne prions pas une puissance extérieure à nous pour qu’elle nous écoute : quel orgueil que celui-là ! Mais nous voyageons en nous-mêmes pour mieux nous comprendre, et mieux répondre à nos besoins, à ceux que nous affrontons en tant que modes faits de Dieu !
- Dieu n’a pas de besoin : il est parfait !! m’insurgeai-je. Si nous étions Dieu, comme tu le dis, vieillard, nous serions nous aussi parfaits !
- Mais nous ne sommes qu’une partie de Dieu, jeune disciple … Pas Dieu Lui-même … Et pour comprendre ce qu’est la Nature, ce qu’est Dieu, nous devons chercher à nous approcher de Sa perfection. La méditation nous sert à cela : considérer nos actes, considérer notre progression sur le chemin de la Lumière divine.
- Alors … A quoi sert-il de … méditer … ensemble ?
- Car la méditation est personnelle, mais les discussions qui en découlent, les interrogations que nous avons envers nous-mêmes, cela peut être discuté ensuite, en groupe, pour recevoir l’aide de nos semblables. Pour accepter comme des réponses possibles, mais non obligatoires, celles qu’ils nous apporteront.»
Alors je cherchais moi aussi le réconfort de la méditation, ce matin-là, mais également les jours qui suivirent. Et je n’ai, depuis lors, jamais cessé de m’interroger sur mes actes, et de chercher conseil auprès de mes frères humains.
Je n’étais pas à l’époque convaincu par ce Dieu immanent et sans volonté propre, mais les discussions que j’eus avec les spinozistes que je rencontrai par la suite me permirent de tenir bon sur le chemin de la connaissance, et de ne pas m’abandonner aux mirages de la morale humaine …

« Spinozistes » ?
Oui, je ne vous ai pas encore expliqué d’où vient ce mot, et ce qui m’amena à le donner à ceux que j’allais bientôt rejoindre, frères de foi dans la Nature, et donc l’Humain.




Livre Troisième : La leçon dans le désert, ou la liberté annoncée


Nous marchions depuis des jours dans le désert de l'Est, après notre rencontre avec la caravane marchande, nous préparant à rejoindre ce peuple que l'on disait tenir tête à la toute puissante Rome : nous déplaçant de nuit, et dans le matin frais des étendues de sable, nous reposant le reste du temps, un soleil trop virulent brûlant nos peaux, même sous nos vêtements, nous progressions inlassablement.La monotonie du paysage n'altérait cependant pas la puissance et la beauté qui émanait de cette immensité : nul ne reste impassible face à l'océan de vide que représente le désert.
Je suivais le vieillard grincheux qui avait empêcher l'abomination que je m'apprêtais à commettre lorsque nous nous étions rencontrés : mon suicide, vil et lâche, alors que je venais d'assister à la mort de Christos ...
Mon compagnon de voyage m'apostropha :


- Daju, viens voir ici ! Very Happy
- Hum ... Moui ... répondis-je, hagard, sous les rayons du soleil naissant.
- Regarde cette merveille ... ajouta celui qui se savait mon maître de pensée, sans prendre garde à mon manque éhonté de motivation.

Je regardai alors aux pieds de l'homme, et vis une chose si étrange, si incongrue en ce lieu, que je ne pus retenir un éclat de rire stupide, qui me parut pourtant tout à fait naturel à l'instant où il s'échappait de ma gorge.Une fleur.
Une simple fleur aux quatre pétales rubis.
Perchée sur un roc de petite taille.


- Que signifie, vieil homme ? Demandai-je, mes yeux ne pouvant se détacher de la présence incroyable.
- Cela signifie la puissance de vie, jeune imbécile !
Regarde ce combat pour la survie, mais aussi la beauté qui en résulte !
Une fleur, perdue dans le désert, et ne trouvant sa force que dans une pierre ! N'est-ce pas merveilleux ?
- Je n'avais jamais entendu parler de tel miracle ...
- Ah non !! Pas de miracle ici !! répondit l'ancêtre, extrêmement courroucé.
Laisse donc ces inepties à ton ami Christos !
- Il aurait aimé cette fleur tout comme toi, vieillard !! répondis-je en haussant le ton, car Christos et sa vision du monde restaient, entre mon compagnon de route et moi, un continuel sujet de discorde.
- Bien sûr, qu'il l'aurait aimé ! Je n'ai jamais dit qu'il était méchant ou insensible !
J'irai même jusqu'à dire qu'il était un homme doué de compassion, d'amour de l'autre, et aussi de pas mal d'humour ! Sourit-il.
Mais il aurait retiré sa beauté à cette plante en la qualifiant de prodige ... continua l'homme, se rembrunissant.
Il aurait parlé d'un dieu qui aurait permis ce ... miracle ! Comme tu dis …
- Et en quoi lui aurait-il retiré sa beauté, ce faisant, dis-moi ?...
- Cette plante est-elle plus belle qu'une rose, jeune sot ?
- Euh ... Non ... dus-je me résoudre à répondre après m'être concentré sur ces quatre pauvres pétales blancs, hélas d'une banalité affligeante ...
- Alors, pourquoi te sens-tu attiré par elle ? Pourquoi la trouves-tu si belle ?...
- Parce que ... Parce qu'elle a grand mérite à pousser en cette contrée ! Parce qu'elle est vivante dans un univers de mort ! Parce qu'elle nargue le soleil puissant du haut de ses quelques centimètres !
- Voilà !! Un sourire radieux se dessina sur le visage de mon mentor.
Elle est belle parce qu'elle a réussi à se libérer des chaînes de son environnement !!
Elle est belle parce qu'elle agit dans toute sa puissance, au mépris des règles que voudrait lui imposer l'astre du jour !
Elle est belle parce qu'elle est libre ...
- ...

Je ne savais que répondre à cela, d'autant plus que ces mots recouvraient en effet l'impression que je ressentais à propos de cette puissance qui s'exprimait à travers la finesse et la grâce d'une simple plante ...

- Les fleurs seraient-elles plus libres que nous, pauvres mortels ?...
- « Pauvres mortels » ... Pfff ...
Nous ne sommes pas pauvres, et nous, êtres pensants, sommes sujets à des a priori que ne connaissent pas les plantes, et la plupart des autres animaux.
Mais cette capacité à la réflexion nous amènera un jour plus loin que la plus libre des plantes, Daju, sois-en certain !
- Mais comment ?!
Nous avons tant de mal à nous libérer, à vivre en parfaite harmonie avec Dieu !
- Ce que nous apprenons par la pensée, par la réflexion et l'instinct mêlés, nos essences s'en souviennent, Daju, jeune apprenti !
La mort n'est qu'une étape, une métamorphose, mais l'essence qui nous constitue, même réduite à une connaissance sans volonté, lorsque nous trépassons, demeure ...
- Mais cela ne change rien : si notre essence devient pierre, ou même se perd dans un attribut de Dieu que nous ne connaissons pas, que nous ne pouvons pas percevoir, ce savoir n'a aucun intérêt ...
- Mais la force de l'essence, partie de Dieu, est d'être immortelle ...
Et à force de changements, de transitions de modes en autres modes, d'attributs vers d'autres attributs, un jour, il viendra à nous un être qui aura la possibilité de penser à nouveau, et de nous expliquer la somme des savoirs qu'il aura accumulés au fil de ses métamorphoses.
Et alors cet être pensant, ce mode de Dieu, nous expliquera la liberté, nous amènera à Dieu ...
- Comment en es-tu si sûr, vieil homme ?
- Parce que les possibilités sont infinies, tout comme Dieu !
Parce que ce qui peut se produire se produit, invariablement, car Dieu est tout-puissant, et fait tout ce qu'il peut : et il peut tout, par sa puissance infinie ...
Alors viendra un jour, demain, dans un siècle, dans plusieurs millénaires, où arrivera parmi nous cette volonté douée de raison, qui nous libérera de la morale et des faux-semblants, qui fera de nous des puissances sans entrave ...
- Comment la reconnaîtrons-nous, si ce que tu dis est vrai ?
- Nous n'aurons pas à le faire, jeune Daju : elle s'imposera comme une évidence de clarté, de lumière, comme une révélation divine ...

Je restais à méditer quelques instants ces paroles, regardant toujours avec ferveur cette fleur, symbole de liberté et de puissance, plus qu'aucun être jusqu'ici rencontré, même Christos ...

- Comment se nomme cette fleur, vieil homme ?
- On la nomme Spinoza ... répondit le sage.



Livre Premier : Du suicide



Christos venait de rendre l’âme, en partie à cause de ma délation …
Horrifié par mon geste, mu tant par la volonté de me démettre de l’influence solaire de cet être hors du commun que de lui montrer ce qu’était la réalité de la vie de ceux qu’il tentait d’influencer, je fuis de la cité de Jérusalem, passant en larmes les portes monumentales.
Il est difficile pour moi de décrire l’impression mitigée, et pourtant extrême, qu’opérait sur moi celui que les aristotéliciens avaient décidé de choisir comme messie.
Christos était un être à la volonté magnifique, à l’amour pour les autres d’une pureté inégalée pour l’époque, et pourtant il vivait hors des contingences du commun, loin de leurs préoccupations : combien nombreuses furent mes colères face à son ignorance, son mépris, pour les conséquences de ce qu’il enseignait à ses adeptes …
Jamais il n’accepta de se soumettre à la force romaine, mais jamais non plus il n’entrevit les difficultés que vivraient ceux qui le suivraient !
Amour et Haine, Respect et Mépris : tels étaient les sentiments contradictoires que m’inspirait Christos. Mais à l’instant de sa mort, je ressentis un tel vide, une telle absence, que seule la mort me semblait convenir à la situation.
Prenant la corde qui servait de ceinture à ma toge, je m’approchai d’un arbre, le regard brouillé de larmes et l’esprit enserré dans un étau de culpabilité.
J’allais monter sur la bûche qui devait me servir pour me mettre à distance suffisante du sol, lorsqu’un coup de cravache siffla à mes oreilles, marquant ma joue d’une sanglante traînée.
« Et bien, jeune imbécile ! Quelle est donc cette stupidité que tu t’apprêtes à commettre ?! »
Un homme dans la force de l’âge, le regard fier et la moue méprisante, me dévisageait avec un dédain sans limite. Trop occupé à ma propre douleur, je ne m’étais pas rendu compte de son approche.
« -    Que me veux-tu, vieillard ?... lui répliquai-je avec lassitude.
Pourquoi veux-tu m’empêcher de mettre fin à mes jours ?...
- Je ne veux rien empêcher du tout, jeune sot ! Je voulais juste que tu me donnes ce sac de pièces qui me semble agréablement rempli !
Si tu te tues avec, je ne pourrai pas te le voler sans ressentir un certain malaise, alors je te le demande avant que tu ne fasses le grand saut ! »
L’homme avait arboré un sourire concupiscent, les yeux fixés sur les trente deniers que j’avais touchés pour avoir dénoncé Christos …
- Cet argent est maudit ! Il provient de la mort d’un homme …
- Ahahahahah ! Je ne suis pas regardant à ce qui peut me nourrir, jeune abruti !
- Cesse donc de m’insulter, vieux grigou ! lui répliquai-je avec colère.
Il me regarda avec étonnement :
- Tu te prépares à mourir et tu fais montre de fierté ?!
Ou se trouve donc la logique de la chose, jeune fou ?...
- J’ai droit à ma fierté, même si je ne dois plus en profiter longtemps !
- Que nenni, jeune décérébré ! Tu es sur le point de tout perdre, d’annihiler ce qui fait que tu es toi, et personne d’autre …
Pourquoi voudrais-tu conserver maintenant ce que tu vas abandonner dans quelques instant, jeune débile ?...
- Parce que c’est mon choix, ma raison, ma vie !!
- Pffff … Tu choisis donc de ne plus choisir, tu choisis donc de ne plus exercer ces droits que tu revendiques à l’instant … Te rends-tu compte que tu pourras toujours décider de mourir demain ?... Alors que si tu meurs, tu ne pourras plus choisir de vivre demain … Jeune bouffon !
- Dieu me punira pour mon acte ! Je rachèterai ma faute en enfer !!
- Et si ce dieu que tu vénères n’existait pas ?.... Et si ce dieu que tu vénères ne voyait pas l’intérêt de s’intéresser à toi ?...
- Oh … Il s’intéressera à moi, vu que j’ai pris la vie de son héraut…
- Sauf si sa punition est de te voir souffrir de son absence de jugement … Les jeunes sont vraiment trop idiots, de nos jours : penses-tu sincèrement que ce dieu en furie va te donner ce que tu attends ?!
- … … …
- Ne vaudrait-il pas mieux pour toi tenter de racheter tes fautes ici, tant que tu le peux, plutôt que de fuir en laissant un autre décider à ta place ?...
- Cela fait si mal …
- Bien sûr que ça fait mal, jeune inconscient ! Si la liberté fait mal, c’est pour te rappeler que tu es en vie … Mais sans doute que perdre cette liberté n’est pas important pour un lâche qui fuit sa propre responsabilité …
Comment veux-tu te racheter si tu perds ce qui te permet de le faire : ta volonté, tes choix, ta puissance d’être ?…

Le discours du vieillard me sortit de la transe dans laquelle je m’étais noyé à la mort du messie : j’avais toujours été un être fier, voire orgueilleux, et me faire traiter de lâche par un ancêtre réveilla cette rage qui m’avait animé depuis ma naissance.
- Allez, donne-moi ta bourse, jeune mort !!
- Non ! J’en aurai besoin pour vivre !
- Encore faudrait-il que tu saches ce que ça signifie, jeune insensé …

Intrigué par les paroles de l’ancien qui s’en allait enfin, je le suivis, bien décidé à lui faire payer par de sempiternelles moqueries les insultes dont il m’avait abreuvé …
Je venais, sans le savoir vraiment, de trouver une raison de vivre …


Livre Deuxième : De la méditation



Epilogue
Odeur de sang, gémissements et prières mêlées, sol dur sous mon corps vieilli par l’âge et la maladie, saveur grossière de l'eau croupie, visages effrayés des enfants …
J’écris ces quelques pages grâce à la sympathie d’un garde impérial aristotélicien, qui ne peut rien faire d’autre que de regarder les siens se préparer à mourir dans ce cirque romain, sur les ordres de l’empereur d’un domaine décadent.
Quel serait sa réaction s’il savait qui je suis, ou plutôt qui j’étais ?...
Il doit me prendre pour l’un de ses frères, obligés d’agir dans la clandestinité : il n’a pas tout à fait tort, d’ailleurs, puisque ma foi est autant pourchassée que la sienne !
Que m’a-t-il pris de remplacer cet enfant lors de la rafle ?
Pourquoi cette envie de mourir à sa place ?
Le suicide est le pire tabou de mon culte, l’aberration totale devant la Vérité divine …
Pourquoi ? Racheter ma faute ? Non, puisque je sais aujourd’hui que rien ne se rachète, même si je pourrais vouloir équilibrer mes capacités.
Sans doute la maladie qui me ronge m’a-t-elle poussé à donner sa chance à un être en pleine éclosion, tandis que ma fin ne sera avancée que de quelques mois.
Sans doute la fatigue d’une vie de voyages et de quête se fait-elle sentir plus fortement à présent que ma volonté s’affaiblit devant la décrépitude de ma chair.
Sans doute l’humour de la situation m’aida-t-il à prendre cette décision !
Sauver un aristotélicien, quarante ans après avoir participé à la mort de leur guide halluciné …

Que penseraient mes compagnons de geôles s’il savait que celui qui se fait appeler aujourd’hui Nicoleus était autrefois, il y a bien longtemps, un certain Daju ?...
Mon histoire ne les intéresserait certainement pas, mais j’ai espoir que ces pages parviennent tôt ou tard à certains disciples spinozistes, qui pourront peut-être y trouver de quoi nourrir leur réflexion sur Dieu, et sur leur propre puissance.

C’était il y a quarante ans, donc, au pied du Golgotha …

LIVRE I : La vie de Daju / Les royaumes de l'Est / La vie de Hevel Fs_bas10

Sadella

Sadella

Les Royaumes de l'Est

Il y a longtemps, un peu avant Charles le Grand en Occident, mais plus à l'est, vers le nord de Byzance, coexistaient une myriade de petits royaumes qui se faisaient la guerre, parce que les barbares avaient provoqué la désintégration de royaumes plus étendus ...

Un de ces royaumes était spinoziste.
C'était un royaume de taille modeste, mais les choses s'y passaient bien, principalement grâce à une mine d'or très rentable qui amenait la richesse aux habitants !
Mais aussi la convoitise des royaumes voisins ...

Alors un jour, ce qui devait arriver arriva : un royaume voisin, justement, décida d'envahir le royaume spinoziste, pour s'emparer de sa mine d'or !
La bataille fut féroce, et les spinozistes l'emportèrent. Enfin, il n'y avait pas que des spinozistes dans l'armée, étant donné que la religion des habitants dépendait d'eux : c'était le roi qui avait mis en place une loi spinoziste !
A la fin de la bataille, le Conseil des Sages spinozistes fit entendre son avis : la population entière du royaume qui les avaient attaqués devait être passée par les armes, ce qui faisait quand même plusieurs milliers d'individus !
Car pour les Sages, il fallait envoyer un signal fort aux autres domaines limitrophes, et empêcher que celui qui avait essayé de les envahir ne puisse recommencer ...

Donc, pour assurer l'avenir de leurs concitoyens, les spinozistes devaient tuer tous leurs opposants : ça calmerait les autres candidats à l'invasion, selon eux ...

Le roy de l'époque accepta, puisqu'il avait fait serment de protéger son peuple, et donna les ordres pour que tous les villages ennemis soient rasés, et les habitants tués.

Mais un des capitaines spinozistes trouva trop peu conforme à ce qui était bon pour lui, que ça n'allait pas dans le sens de sa religion, que l'on aurait pu discuter avec les vaincus pour en faire des alliés ...

Il alla donc à la fois contre l'avis de son roy temporel, et contre l'avis du conseil des sages, la plus haute autorité religieuse de la Spinozie !
Il fut banni du royaume, et les villages furent quand même incendiés et leurs habitants tous tués : hommes, femmes et enfants ...


Quelques décennies plus tard, le royaume spinoziste tombait tout de même sous les assauts d'un autre voisin ...

Sadella

Sadella

La vie d'Hevel

Le souffle de la terre

La vie était belle, la terre était abondante, et la famille royale était satisfaite de même que leur peuple. Le roi de cette ère de prospérité se nommait Hevel, parce qu’ils croyaient qu'il était leur dieu et qu'il avait insufflé la vie à leur royaume. C'était un bon et noble roi bien aimé par son peuple. Il gouvernait son royaume avec sagesse et d'une main ferme et ses gens le soutenaient avec loyauté.

Le Roi Hevel avait un fils unique, Kayin. Le roi avait échoué dans une seule chose, et c'était son fils. Kayin était gaté et croyait fortement que les dieux païens l'avaient béni dans tout ce qu’il souhaitait. Il observait toujours son père, le regardant agir avec les citoyens du royaume, et le tenait en dédain. Il voyait que son père était patient et parlait aux villageois, alors que lui passait son temps à paresser et à commander ses domestiques.

Parmi les enfants du royaume l'ami le plus intime de Kayin était le fils du capitaine de la garde du royaume, Joshua. Joshua passait tout son temps avec Kayin, ils marchaient dans le village ensemble, et ils étaient aussi différents l’un de l’autre que le jour et la nuit. Comme tous, Joshua croyait aux dieux païens et, bien qu’il trouvait Kayin parfois cruel, Josuah était persuadé que Kayin détenait le droit divin et que donc il pouvait faire comme bon lui semblait.

Tard au printemps de la 13ème année de la vie de Kayin, une maladie étrange frappa le royaume. Le père de Kayin lui interdit de jouer avec les enfants du royaume. Cependant, il était trop tard, car il était déjà tombé malade. Quand les symptômes se déclarèrent, son père envoya chercher tous les guérisseurs et les sorcières soignantes parmi les siens et les villages environnants. Il pria les prêtres de sacrifier les plus beaux de chacun de leurs animaux, aux dieux de la guérison. Les semaines s’écoulaient et lentement la vie quitta le garçon jusqu'au triste jour où le glas sonna 13 fois annonçant la mort du jeune prince.

Son père était désespéré et proche de la folie. Le bon roi jeûna, et sacrifia aux dieux, pourtant rien ne fit partir la douleur. Une nuit, un serviteur de confiance du roi vint à lui et lui conseilla d‘arréter et de reposer son esprit, afin de laisser son corps et âme se calmer. Le sage roi s'enferma à clef dans sa chambre, et sonda son âme comme l'homme avait conseillé.

La première nuit de méditation et d’isolement, le Roi Hevel eut une vision étrange. Il était enchaîné au mur d'une caverne, et de l’autre coté se tenaient debout les statues de ses dieux. Ces dieux semblaient le regarder fixement avec colère. Tout autour de lui il pouvait voir les formes d'autres humains enchaînés au mur. Il les voyait tous ensembles, mais était dans l'impossibilité de les distinguer individuellement. Leur visage était souriant, pourtant il pouvait sentir la misère dans l’air. Bien qu’il essaya, il n’arrivait pas à se libérer de ses chaînes. Ne voyant aucune manière d'échapper à la vision, le roi continua à méditer.

Au huitième jour de l’emprisonnement à cette vision le bon roi eut une illumination. Regardant fixement les idoles, il vu qu'elles n'étaient point fâchées, parce que sans émotion aucune. Elles étaient en pierre, et les divinités qu'il voyait à travers elle ne l’était par dans la croyance qu’il avait d’elles.. Immédiatement, les idoles commencèrent à s'émietter, et avec eux ses chaines se détruisirent. Il sortit hors de la caverne, dans la lumière du soleil et pris une bouffée d'air frais, pour la première fois en tant qu'homme libre.

La dynastie de la pensée

Avec la mort de Kayin, la dynastie était brisée, mais le Roi Hevel vit une solution. Le père de Joshua était un cousin éloigné, et Hevel avait pris la décision d’annoncer Joshua en tant que son nouvel héritier. Il faisait confiance au garçon, car les gens avaient déjà appris à l’aimer. Il voyait la sagesse dans ce garçon, et avait confiance qu'il pouvait lui enseigner ce qu'il avait appris de sa vision.

Quelques heures après que Hevel ait abandonné sa méditation, il fit appeler Joshua au palais. Quand le garçon arriva, il se prosterna (grandement), Votre Sainteté, comment puis-je vous servir ?

Hevel invita le garçon à s'asseoir, vous commencerez en ne m'appelant plus Votre Sainteté. Car j’ai découvert que nous sommes tous deux également saints (bénis) dans notre nature. (ou bien égaux dans notre sainteté)

Après la mort de mon fils, j'ai appris par une vision qu’il n’y a qu’un Dieu, qui a conçu la totalité du monde, y compris nous. Nos actions et positions sont seulement les résultats de cette nature qu'il nous a donnée à tous. Fils, pense au monde, et aux actions des soi-disant dieux. Il ne peut pas être possible que ces créatures existent, c’est artificiel (non naturel).

Joshua fit comme demandé et tous les deux entamèrent une longue conversation. Pendant plusieurs jours les deux méditèrent ensemble et discutèrent là leurs touvailles. En Joshua, le roi avait trouvé non seulement un nouveau fils, mais un ami intime.

Appréciant la compagnie d'un autre penseur, le Roi Hevel et Joshua décidèrent qu'ils enseigneraient à d’autres plus que ceux-ci les rejoignent. Ils commencèrent en enseignant à leurs familles, amis et serviteurs de leur maison.

Le royaume des esclaves

Les années avancèrent et le royaume continua de prospérer. Chacun avait de la nourriture à manger, et des vêtements à porter. Cependant, les personnes étaient malheureuses. Les temples païens étaient tombés en délabrement, et les rumeurs que le roi avait abandonné les vieux dieux s’avéraient être vraies.

Chaque samedi, le roi sortait et parlait aux personnes, au sujet du royaume et de ses nouvelles croyances. Il les pria de considérer la méditation, pour penser pour eux-mêmes, mais ils ne le firent pas. Les prêtres païens considérèrent (prirent le parti) de donner leurs valeurs aux peuples, et à maudire le Roi Hevel pour sa nouvelle foi.

Les païens du royaume se réunirent ensemble, et invitèrent les autres nations païennes pour faire chuter leur roi hérétique. Le chef de cette armée n'en était nul autre qu'I'yov, le père de Joshua. Joshua rapporta que l'armée se déplaçait contre le Roi Hevel. Le roi réunit ses disciples (compagnons) dans le palais et ils commencèrent les préparatifs pour la guerre, cependant, ils étaient trop peu nombreux.

Cette nuit là, I'yov mena l'armée aux portes du palais du Roi Hevel's. Joshua mena les quelques troupes fidèles (loyales) dans une bataille contre son père, mais ils n'étaient pas assez. Il fit retraite dans le palais, et la communauté entière partit par un tunnel secret qui les mena dans le désert Judée.

La première Communauté

Dans le désert, les quelques survivants grandirent et menèrent une vie nomade. Le Roi Hevel conduit (guida) les nomades avec l’aide de Joshua. Il prit le titre d'Admor, parce qu’il était leur Seigneur et Professeur, et conduisait le peuple dans la méditation, alors que Joshua veillait au bien-être de la communauté. Joshua trouva des abris pour les personnes (eux / le peuple), il ne laissa jamais mourir de faim l’un deux, et il veilla à ce qu’aucun n’asservisse l’autre. Le peuple vit qu'il était juste, et le surnomma Tzadik.

La petite communauté avait été confrontée à de nombreuses difficultés, mais ils étaient heureux de part leur sage « commandement » et leur nouvelle foi. Ils parcoururent le désert, ne s'arrêtant jamais dans un endroit pour longtemps, car les autres nomades étaient païens, et ne les appréciaient pas. Souvent les bédouins païens tentèrent de les d'asservir, physiquement et mentalement, cependant le Tzadik Joshua était fort, et les enseignements del ’Admor Hevel étaient sages et ensemble ils défendirent la communauté.

Après plusieurs années dans le désert, l’Admor Hevel avait vieilli et mourut (fini par muorir). La communauté passa 2 jours le pleurant silencieusement, et 2 jours le louant. A l'emplacement de sa tombe, chacun planta une fleur robuste de Spinoza, parce que celle-ci représentait, les difficultés que la communauté serait amenée à traverser. Ainsi commença (débuta) la grande communauté des Sages.

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